le législateur n’a eu de cesse depuis la fin du 19e siècle, le dernier texte en date étant l’ordonnance du 8 février 2009 (2), de rallonger la liste des instruments financiers autorisés qui échappent au régime de l’article 1965 du Code civil au moyen d’une disposition constamment répétée : « Nul ne peut, pour se soustraire aux obligations qui résultent de contrats financiers, se prévaloir de l’article 1965 du Code civil, alors même que ces opérations se résoudraient par le paiement d'une simple différence » - les marchés à terme étant ici clairement visés -. Or, que dit ce même article 1965, tout simplement que « la loi n'accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d'un pari ».Impossible au parieur sur instruments financiers de se retourner contre quiconque ? Rien n’est moins sûr car on ne peut pas induire le parieur en erreur, reprend Jérôme Kullmann. « En aucun cas, le perdant ne peut répéter ce qu’il a volontairement payé, sauf dol, supercherie ou escroquerie de la part du gagnant », prévoit de son côté le même Code civil dans son article 1967. « Les textes qui régissent les instruments financiers posent le principe que l’article 1965 du Code civil n’est pas applicable, mais ils ne disent rien sur l’article 1967 », poursuit le juriste.Peut-on envisager une suppression des faveurs accordées aux marchés financiers pour leurs produits et rétablir le droit commun du jeu et pari en supprimant la mention « Nul ne peut se prévaloir de l’article 1965 » ? Cela n’est, semble-t-il, pas à l’ordre du jour et l’ordonnance du 8 janvier 2009 n’est pas allée jusque-là. La disposition a simplement été déplacée pour figurer désormais à l’article L.211-35 du Code monétaire et financier (3).
« Les contrats sur instruments financiers "jeu et pari" ne sont pas aujourd’hui remis en cause, à moins que les investisseurs qui s’estiment trompés par dol et qui ont payé leurs pertes ne se mettent à en réclamer aux établissements financiers le remboursement sur le fondement de l’article 1967 du Code civil. Ou bien encore que les personnes qui estiment que leur partenaire contractuel, ou un tiers intervenu dans leurs opérations sur instruments financiers, a commis une faute dans l’exécution du contrat ou dans celle de ses devoirs, décident d’engager leur responsabilité civile. Le phénomène est courant : ce que l’on a perdu en application d’un contrat peut souvent être récupéré sous forme de dommages-intérêts », conclut le professeur Kullmann.Rétablir la titrisation. La titrisation survivra-t-elle à la crise ? « Ces actifs que certains qualifient de jeu et pari étaient encensés par la communauté financière jusqu’en 2007 parce que considérés comme une alternative gagnante à l’assurance, à la réassurance et à la rétrocession », ont rappelé les responsables de la Scor. « Condamnée, décriée, rendue responsable de tous les maux, la titrisation est pourtant une technique qui reste viable et qu’il ne faut pas enterrer sous prétexte qu’elle a véhiculé sur le marché des actifs risqués », ont soutenuRichard Ghueldre et Gilles Saint Marc, avocats associés de Gide, Loyrette, Nouel, AARPI.La question de la surveillance européenne. Impossible d’aborder les conséquences de la crise sans s’interroger sur la solidité des entreprises dans un espace européen quasi harmonisé, mais non unifié. Sur ce chapitre, « les discours des experts sont rassurants », a relevé le professeur Jean Bigot (4), mais cela ne doit pas endormir la vigilance des observateurs car plusieurs signaux montrent que la situation est en réalité tendue, particulièrement dans les relations entre assureurs et réassureurs où la méfiance s’accroît, a souligné le juriste. Plus globalement, le professeur Bigot a insisté sur les quatre grands types de risques auxquels sont confrontés les assureurs : insolvabilité, dépréciation des actifs représentatifs des engagements, garanties des unités de compte et rachats massifs des contrats. Le respect des normes prudentielles et la vigilance du contrôleur sont sensés protéger les assurés mais attention, au sein de la communauté, il peut exister des disparités de législation. De même, avec le principe du passeport européen, cette protection des assurés reste encore très dépendante des autorités du siège social qui délivrent l’agrément pour travailler en LPS. La surveillance de la titrisation du risque assurantiel est d’ailleurs dévolue aux autorités compétentes de chaque Etat membre de l’Union européenne.La revanche des juristes. Avec la monté en puissance des risques de conflits, « Les juristes vont bien vivre en 2009 et 2010 », tel est le pari cette fois de Jérôme Kullmann. Quels en seront les faits générateurs ? Selon l’Observatoire annuel des directions juridiques 2008 d’Ernst & Young, présenté le 20 janvier dernier, les responsables des départements concernés dans les domaines de la banque, finance, assurance ont placé le risque lié au marketing et à la notoriété à 75,5 % parmi les trois premiers, suivi de celui lié aux ventes et forces de ventes à 66,5 %. Le risque commercial et de réputation se situe bien haut dans la hiérarchie des difficultés auxquelles pourraient être confrontées les entreprises en 2009. Des éléments qui plaident pour une meilleure écoute des juristes et responsables conformité par les directions générales des entreprises, qui se sont sentis, parfois à tort, parfois à raison, un « peu seuls » ces derniers temps face à des directions commerciales et du marketing très entreprenantes.
SUR LES CONSEILS DE KOLKIN
Il y a 16 ans
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